Lors de la journée consacrée au thème “Accéder au bien-être” Transformer le capitalisme” des Rencontres du Développement Durable s’est tenue une Masterclass, modérée par Thomas Friang, Directeur général de l’Institut Open Diplomacy durant laquelle Thomas Bellion-Jourdan, Vice-Président de Schneider Electric nous a parlé du bien-être au travail dans l’industrie 4.0.
Le monde actuel est en constante transition. Transition écologique, transition multilatérale, transition démographique, mais également transition numérique et technologique. L’émergence de l’intelligence artificielle - IA - et de toutes les technologies associées a permis à la data science, branche des technologies digitales qui analyse et gère les données informatiques, de prendre une place prépondérante dans tous les domaines. De la prévision automatique au sein de messageries, au criblage de principes thérapeutiques, en passant par la reconnaissance de formes, les nouvelles technologies numériques conduisent à une profonde mutation du panorama mondial. L’industrie, bras armé de notre système économique, n’est pas en reste dans cette dynamique, comme nous l’explique Thomas Bellion-Jourdan, Vice-président de Schneider Electric.
Quand l’industrie fait peau neuve
Faire muter le mastodonte inertiel qu’est l’industrie vers une pratique plus environnementalement responsable, plus connectée, plus productive, plus socialement proche des travailleurs, tels sont les défis rencontrés par les entreprises autour du globe. Schneider Electric en premier lieu.
Contrairement à la croyance populaire, « l’usine du futur se conjugue déjà au présent », souligne Mr Bellion-Jourdan. S’inscrivant dans une forme de continuité vis-à-vis des mutations historiques du secteur, la 4e révolution industrielle n’en est pas moins spectaculaire. Issue de la convergence entre production industrielle et technologies de l’information et de la communication, la « smart factory » pour certains, « l’usine du futur » pour d’autres s’ancre dans le présent, avec comme point central le numérique.
Dans cette dynamique, certains sites de production sont devenus hyperconnectés - ou tendent à l’être dans un futur proche. Collecter un maximum de données afin d’être plus efficace et plus fiable est le mot d'ordre de cette industrie nouvelle qui opère son implantation dans tous les secteurs, de l’énergie à la grande distribution. C’est donc bien une révolution numérique qui se joue, sans pour autant négliger les autres enjeux du XIXe siècle. A ce titre, Thomas Bellion-Jourdan nous rappelle qu’il est crucial de mettre en place « l’usine verte, qui est économe dans sa consommation », en tant que « valeur centrale pour les nouvelles générations de travailleurs ».
Le secteur industriel représente un tiers des émissions de GES. Une mutation du secteur entier est indispensable pour parvenir à mettre en place la transition écologique tant attendue - et tellement nécessaire. Avec l’objectif de diminuer la consommation électrique de ses usines de 10 % en trois ans, Schneider Electric affiche sa volonté d’agir en faveur de la transition.
L’industrie « 4.0 » promet à toutes les entreprises qui l’adopteront des résultats substantiels dans ce domaine, par l’utilisation de capteurs pour identifier les points de forte consommation afin de « savoir quelles actions entreprendre » par la suite. Dès lors que la source de perte d’énergie, de temps de production ou de matière est connue, il est alors plus facile d’actionner le bon levier d’amélioration. Un modèle prospectif inespéré, au service de la transition écologique et numérique… pourvu que le travailleur puisse s’y insérer en de bonnes conditions !
Un écrin de bien-être pour le travailleur ?
Dans un environnement hautement technologique comme celui de l’industrie 4.0, la place du travailleur peut sembler précaire face à des robots sur-efficaces. Pourtant, avec le déploiement de l’industrie du futur, l’amélioration des conditions de travail pour le travailleur semble bien perceptible.
Sur le plan physique, le bâtiment intelligent prend en charge de nombreuses caractéristiques liées directement aux conditions de travail des employés, et donc de leur bien-être : régulation automatique des zones en température, éclairage intelligent ou ventilation intuitive, les exemples sont pléthoriques. Aussi, les robots collaboratifs œuvrent afin de « décharger de charges pénibles les collaborateurs », tandis que les exosquelettes, en pleine émergence, assurent une ergonomie améliorée et une compréhension plus fine des postures de travail, afin « d’alerter sur les positions à risque », comme nous l’explique de Vice-Président de Schneider Electric.
Pour ce qui est de la dimension psychologique, dont l’amélioration semble plus ténue, l’apport du numérique fait également des miracles. Alors que les machines informent et permettent de travailler dans le domaine du préventif plutôt que celui de la réactivité, les niveaux de stress diminuent significativement. Les technologies numériques de l’industrie 4.0, par leur capacité à pouvoir prévisualiser les éventuelles ruptures de stock, tension sur une chaîne de production ou défaillance machine, permettent au travailleur d’anticiper son action et donc de s’extraire du stress de l’improvisation dans un environnement où chaque minute peut coûter une somme considérable à l’entreprise. La capacité à travailler à distance, armé de moyens numériques performants et ergonomiques, permet quant à elle la réduction de tous les risques associés aux déplacements, de l’épuisement aux accidents causés par la fatigue. A nuancer toutefois par le fait que la proximité physique avec ses collègues est un facteur prouvé de bien-être psychologique, lorsque l’environnement de travail est favorable et apaisé.
Pour Thomas Bellion-Jourdan, l’objectif principal est « d’être dans la transparence des informations », par un accès en temps réel à ce qui peut être nécessaire pour opérer une transition numérique efficace. Un véritable écrin de bien-être, mais au sein duquel chaque travailleur peut devenir un maillon traçable, source quasi-illimitée de données valorisables par l’employeur.
Un défi éducatif, à la croisée des compétences
Au-delà des défis de sécurité et d’éthique du travail, un défi majeur s’oppose à la mise en place efficace d’une industrie 4.0 comme source de bien-être pour les travailleurs. Les compétences requises pour être un travailleur performant et utile à la production sont fortement corrélées au système industriel lui-même. Mutation du système implique donc nécessairement mutation des compétences.
Le défi est de taille, mais Schneider Electric affiche son ambition de l’affronter sereinement, par la voix de Thomas Bellion-Jourdan : sous son administration, d’atteindre 1 000 alternants dans les territoires représente à la fois une opportunité d’ancrage local fort et une manière efficace d’affronter le défi de la formation.
La prise en compte de profils nouveaux, les digital natives ayant connu depuis toujours les technologies numériques, permet de « faire grandir l’ensemble de l’équipe », par utilisation du reverse mentoring, c’est-à-dire par le fait que les jeunes générations, plus sensibles aux technologies numériques, puissent former leurs supérieures hiérarchiques, généralement plus âgés. L’apport de nouvelles compétences ne serait donc pas un frein au développement de l’industrie du futur, mais plutôt un formidable levier de formation des équipes déjà présentes, par renouvellement générationnel.
« Il faut convertir l’existant et aller ensemble vers l’usine du futur » : l’industrie 4.0 ne doit pas s’imposer comme modèle supplétif mais bien comme résultat d’une transition du modèle industriel. Dans la recherche de cet objectif, il est crucial d’être lucide et clair sur la valeur ajoutée d’une telle technologie numérique industrielle, ainsi que ses limites. Comme le résume Thomas Bellion-Jourdan, « il ne faut pas se perdre dans le piège du digital comme gadget ».
Afin de pouvoir développer de nouveaux processus au service de la productivité au travail tout comme du bien-être salarial, l’avancement par essai-erreur est la méthode préconisée par l’industriel. Pour lui, il « ne pas avoir peur d’essayer et d’échouer. Une telle transition ne peut se faire qu’en harmonie entre plusieurs acteurs, et rarement - voire jamais - par chaque entreprise indépendamment du reste de l’écosystème dans lequel elle prétend s'inscrire.