Lors de la journée consacrée au thème “Accéder au bien-être” des Rencontres du Développement Durable, Victor Dhollande, Journaliste à Europe 1, a modéré une table ronde rassemblant Jean-Christophe Carteron, Directeur RSE de KEDGE Business School et Président de Sulitest, Ilana Cicurel, Députée européenne, Stéphanie Foucard, Directrice de la mobilisation et de l’engagement de Citeo, Gabriela Martin, Secrétaire générale de La Fonda, Thomas Meister, Secrétaire du Comité d'Impact d'OpenClassrooms, et Olivier Toutain, Professeur à Burgundy School of Business.
La pédagogie, c’est l’art de guider un individu. A l’heure où les changements sociétaux et où les enjeux globaux se complexifient, l’éducation est une mission qui revêt un costume nouveau et qui prend une ampleur inédite. Enseignants et formateurs doivent s’armer de nouveaux outils tout en s’attaquant à des questions de société toujours plus complexes : finance verte, nouvelles technologies des transports… Les sujets à aborder sont vastes.
L’éducation, premier secteur d’emploi en France et moteur de l’ascenseur social, est également le principal levier du bien-être : comment pouvoir s’adapter harmonieusement au monde dans lequel nous évoluons, s’il est impossible de le comprendre ? Nous devons apprenons à apprendre.
Des contenus amenés à évoluer
Les voies traditionnelles d’enseignement, entre transmission verticale des savoirs et fort cadre académique, peinent à répondre aux enjeux actuels de développement durable. Jean-Christophe Carteron, directeur RSE de Kedge Business School, parle d’ailleurs d’une mission d’accompagnement nécessaire “pour des professions qui n’existent pas encore, dans des entreprises qui n’existent pas encore”. La difficulté est bien là : l’éducation doit pouvoir donner les clés de compréhension de phénomènes complexes, menant à des postes qui échappent encore à la description théorique à laquelle nous sommes habitués.
Alors que le contenu même des enseignements est crucial pour l’efficacité de la formation des citoyens, éclairés et conscients des enjeux actuels, la formation des enseignants eux-même est un levier clé de ce mécanisme. Jean-Christophe Carteron met en avant la possibilité d’évaluer les formations données d’un point de vue des ODD, afin de pouvoir se doter d’une résilience digne de l’évolution de la société attenante. Pour Ilana Cicurel, députée européenne, “les professeurs doivent aussi avoir l’occasion de sortir du cadre rigide qui leur est traditionnellement imposé.”
La réflexion autour de l’impact éducatif ne se limite pas aux contenus proposés. Trop souvent, l’éducation est résumée à un objet de transmission de connaissances, sans que la prise en compte du développement de l’étudiant lui-même ne soit considéré. Olivier Toutain, professeur à Burgundy School of Business, met l’accent sur la réflexion dans les écoles, qui doit être conçue en relation avec des compétences applicables concrètement par les élèves : “pour que la mécanique éducative puisse fonctionner, il faut savoir où aller”. Le ton est donné.
Savoir et compétences : un mariage à forts enjeux
Au coeur de cette mutation du secteur éducatif, la notion de compétence est amenée à prendre une place proéminente. Stéphanie Foucard, directrice de la mobilisation et de l’engagement de Citeo, résume cet engagement par une mission : l’éducation doit permettre aux élèves de “ne pas être dans l’opinion ou le rejet, mais savoir prendre du recul.”
A ce titre, il est important pour le monde de l’éducation d’être à l’écoute des besoins du monde du travail, pour participer de manière pertinente à la construction de l’économie du futur. De même, les entreprises doivent adopter une démarche constructive vis-à-vis de l’école. Le mouvement engagé par Le Manifeste pour un Réveil Écologique en France est le reflet d’une volonté des étudiants de s’engager autour des sujets à fort impact positif, dans le cadre d’une démarche durable. L’enseignement doit être à l’écoute de ces besoins, afin de construire une “écologie de l’information”, selon les termes de Thomas Meister, Secrétaire du comité d’impact d’OpenClassrooms.
Dans cette optique, plusieurs outils d’enseignement peuvent permettre à l’éducation d’être à nouveau en avance sur la société qu’elle prétend construire, et non plus subir la vitesse de mutation d’une structure qui désormais la dépasse. Olivier Toutain mentionne à ce fait la pédagogie par projet “qui permet le développement de l’esprit critique”. L’obligation de réfléchir autour d’un sujet local et pourtant complexe, à l’image de l’impact territorial du réchauffement climatique, permet de ne plus construire l’habitude d’une approche générique autour d’un savoir qui l’est tout autant. Mme Cicurel surenchérit : “une nouvelle compétence est à développer chez nos jeunes : quelles informations et sources sont fiables ?”
Jean-Christophe Carteron, plus concrètement, précise le rôle des business school dans cette démarche hybride, à l’intersection entre théorie et pratique : “nous avons cherché à comprendre pourquoi des gens intelligents et bien formés prennent des décisions qui nous conduisent droit dans le mur”. Le problème semble être celui d’une gouvernance biaisée, issue d’une “école trop standardisée et trop normative”, comme l’affirme Ilana Cicurel.
Une perméabilité cruciale vers la société
Afin de mettre en place une éducation performante, ouverte sur l’innovation et ne portant pas la marque d’un carcan culturel ou social réducteur, il est déterminant de pouvoir s’appuyer sur “une porosité de l’école”, afin de développer des liens avec d’autres acteurs comme des associations ou des entreprises. Gabriela Martin de La Fonda appuie cette idée : “les associations répondent à un besoin du territoire, avec de l’innovation sociale”. Il est du ressort du milieu éducatif de pouvoir transmettre ces connaissances à travers un prisme original et efficace pour l’ancrage de compétences tangibles vis-à-vis des besoins de la société durable.
Pour Mr Carteron, toute la mission de l’enseignant est ici résumée : “former des entrepreneurs qui sauront être acteurs du changement” est la vertu première d’une structure éducative performante. Et Olivier Toutain de répondre que : “les enseignants doivent jouer le rôle de facilitateur”. Mentorat, accompagnement personnalisé, interactions constantes avec des problèmes concrets de société… Tel est l’enseignement de demain, résilient et performant.
L’école ne doit cependant pas être envisagée comme une structure indépendante, ayant pour mission de construire les citoyens de demain avant de les lâcher dans la fosse aux lions de la vie. On ne peut en effet tout demander et tout attendre de l’école. Corriger les dysfonctionnements de la société commence dès l’école, mais c’est main dans la main avec les acteurs au travail - et non pas en contradiction avec les habitudes de ceux-ci - que l’on peut faire évoluer le cadre culturel sociétal.
En complément de toute la réflexion autour de l’évolution des méthodes éducatives, il est primordial de penser l’inégalité scolaire comme un des principaux freins à l’évolution vers une société plus durable. Inégalités de genre, de milieux sociaux, ou raciales, celles-ci ont des conséquences dévastatrices contre lesquelles il faut lutter.
L’école peut cependant s’appuyer sur un signal fort d’espoir afin de mener à bien toutes ces transformations : “la jeunesse est incroyablement engagée”, comme le souligne Ilana Cicurel. S’appuyer sur cet engagement de la jeunesse permettra à l’éducation d’atteindre sa mission première, chère à tous les intervenants lors de ces Rencontres du Développement Durable : retrouver le goût d’apprendre.