Parce que le réchauffement climatique et la dégradation de la biodiversité sont des phénomènes globaux aux effets globaux, ils requièrent l’engagement de tous les acteurs : étatiques, économiques, citoyens. En même temps qu’une sensibilisation accrue des consommateurs à l’impact écologique et social des produits qu’ils consomment (les « consomm’acteurs »), les entreprises ont progressivement mobilisé de plus en plus d’énergie dans la RSE (responsabilité sociétale des entreprises).
La puissance publique dispose de nombreux outils pour aligner, autant que possible, l’intérêt privé de l’entreprise sur l’intérêt général. Elle peut d’abord mettre en place un ensemble d’indicateurs, référentiels normatifs qui définissent les modalités et les critères du respect de l’environnement par l’activité productive des entreprises. Ces indicateurs permettent de mettre en place des procédures de reporting et de transparence pour calculer l’impact social et/ou environnemental d’une entreprise. Dans le cadre de l’internationalisation des grandes entreprises, l’harmonisation de ces indicateurs au niveau mondial apparaît d’autant plus importante. Le développement de la finance verte se fonde également sur des indicateurs faisant la transparence sur les risques écologiques liés aux investissements des entreprises.
La puissance publique peut recourir à la puissance de la norme, en contraignant les entreprises à des obligations ou des interdictions. Là encore, dans le cadre de l’internationalisation des entreprises et des échanges, l’harmonisation des normes (environnementales, sociales) est cruciale pour ne pas désavantager, par rapport à leurs concurrents, les entreprises nationales qui y sont soumises : cela donne lieu à de complexes négociations commerciales, au niveau international, pour éviter le dumping fiscal, social et environnemental.
L’État dispose également du levier fiscal pour encourager ou dissuader certaines activités productives : selon l’approche de l’économiste Arthur Pigou, il s’agit d’« internaliser » les externalités générées par l’activité des entreprises. L’Etat pourra ainsi taxer une activité qui génère un coût pour la société - par exemple des activités polluantes - ou subventionner une activité qui génère un bénéfice pour la société - par exemple une entreprise d’apiculture qui pollinise l’environnement alentour.
La mise en place d’un marché carbone des droits à polluer peut s’avérer un outil efficace sur les plans économique et environnemental : la puissance publique détermine un niveau maximal d’émissions et permet aux acteurs économiques de se répartir les coûts de dépollution entre eux en créant un marché. Si le premier marché du carbone au niveau européen a été critiqué pour son manque d’ambition en matière de réduction de la pollution, sa réforme prévue par le Green New Deal devrait permettre de rehausser les efforts de dépollution par la hausse du prix des droits à polluer.
Au-delà des outils de la puissance publique, les entreprises prennent elles-mêmes de plus en plus d’initiatives en matière de RSE. On assiste au développement de coalitions d’entreprises prenant des engagements sur des thématiques particulières en lien avec leur secteur d’activité. Les coalitions Business for Inclusive Growth (B4IG) ou One Planet Business for Biodiversity (OP2B) en sont deux exemples parmi d’autres. Ces coalitions permettent aux entreprises de partager de bonnes pratiques, de prendre des engagements dont l’ambition est poussée à la hausse par leur publicité, et de mieux dialoguer avec les pouvoirs publics pour défendre des mesures législatives ou réglementaires permettant de faciliter leur transition.
En définitive se pose la question de l’effectivité de l’engagement des entreprises en matières sociale et environnementale. Ce passage à l’échelle requiert désormais une réflexion approfondie sur la gouvernance et le financement de cette transition, nerfs de la guerre pour espérer aligner les objectifs de profit et de préservation de notre planète.
Les Rencontres du Développement Durable seront l’occasion d’un point d’étape sur ces avancées, d’une perspective sur les chantiers à suivre, et de propositions concrètes pour un capitalisme de progrès.