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« The key is ensuring we have all hands on deck »

| Benoît Piveteau, Fellow de l’Institut Open Diplomacy

23 novembre 2020

Lors de la journée consacrée au thème “Conduire une transition juste” des Rencontres du Développement Durable, Selwin Hart, Secrétaire général adjoint de l’ONU chargé de l’urgence climatique nous a exhorté à l’action face à l’un des plus grands défis que l’humanité ait eu à relever jusqu’à présent : la lutte contre le dérèglement climatique. Thomas Friang, Fondateur et Directeur général de l’Institut Open Diplomacy a modéré cette masterclass.

L’urgence climatique est le défi de notre siècle. Il engage tous les pans de notre société, de notre conception du développement à notre rapport aux écosystèmes, en passant par notre modèle énergétique ou nos modes de transport. Ce sentiment d’urgence est aujourd’hui partagé par de nombreux citoyens qui attendent des personnalités politiques et des entreprises qu’elles prennent des décisions fortes pour engager une transition radicale. En effet, les Objectifs de Développement Durable - ODD qui servent à la fois de grille d’évaluation des actions publiques et privées et de véritable boussole nous rappellent la nécessité de transformer nos sociétés, de manière radicale et rapide. Le Secrétaire général adjoint de l’ONU à l’urgence climatique nous le rappelle : “the beauty of the SDGs Framework is that it applies to all countries”.

Selwin Hart nous exhorte ainsi à l’action face au plus grand défi que l’humanité n’ait jamais eu à relever : la lutte contre le dérèglement climatique. La voie qu'empruntent aujourd’hui nos économies n’est pas soutenable, la manière de vivre des uns et les excès des autres, ainsi que le fonctionnement de nos sociétés nous laissent à penser que si rien n’est fait, le réchauffement global de la température à la surface de la planète dépassera largement 3°C d’ici 2100. Incompatible avec l’Accord de Paris qui entend limiter ce réchauffement à 2°C, une telle trajectoire serait une catastrophe pour l’humanité entière, ainsi que pour la faune et la flore qui nous entourent.

Cette menace est mondiale, globale. La prise de conscience de ces enjeux ne peut plus rester une préoccupation des classes aisées des pays développés. La recrudescence des phénomènes climatiques extrêmes comme les vagues de chaleurs, les incendies et les cyclones en sont un douloureux rappel.

Le chemin de crête de la relance verte

La crise de la Covid-19 nous a montré que face à une menace mondiale grave, tangible et immédiate, l’impensable devenait possible. La transformation radicale de notre mode de vie au cours de ces derniers mois, la réduction de la pollution atmosphérique, le ralentissement économique et la diminution des émissions de gaz à effet de serre - GES qui en découle, en témoignent. Mais, ce répit écologique a été de courte durée car nous sommes rapidement revenus à des niveaux d’émissions de GES similaires à ceux précédents un confinement quasi-mondial, et une mise sur pause (relative) du commerce mondial. Cela a en plus mené à une crise économique majeure.

Dans ce contexte et face à l’urgence de la situation, les plans de relance économique se multiplient, mais une question demeure : quels objectifs de fond pour ces plans ? Concilier une relance économique efficace qui permettrait de limiter les conséquences sociales catastrophiques de la crise ou réduire le soutien aux secteurs fortement émetteurs de carbone comme l’aviation traditionnelle ?

Le débat de la fin du mois contre celui de la fin du monde est plus pressant que jamais. Les plans de relance devront donc concilier les questions sociales et écologiques. La participation de tous est une condition nécessaire à la réussite de la reprise, afin de mettre sur pied le désormais célèbre « monde d’après ». Des dispositifs, à l’image du Just Transition Fund au niveau européen, existent pour financer la transition dans un souci de justice sociale : la priorité est donnée aux communautés les plus affectées par les effets du changement climatique, aux peuples insulaires, aux populations migrantes...

Selwin Hart nous invite à bousculer notre conception du développement économique et à inclure la lutte contre la pauvreté - inscrite dans les ODD - dans notre réflexion et notre action pour tendre vers un monde plus équitable et plus soutenable. Le mouvement des Gilets Jaunes qui a illustré ce difficile arbitrage entre fin du mois et fin du monde a agi comme une prise de conscience en France, prise de conscience largement partagé au niveau international. C’est d’ailleurs pourquoi les ODD ont été conçus pour être applicables de la même manière aux quatre coins de notre planète.

Ainsi, orienter pleinement les plans de relance vers une dynamique soutenable est probablement la dernière occasion qu’il nous est donné pour d’un côté atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris sur le climat, et de l’autre entrer pleinement la « décennie de l’action ». La pression et l’implication des citoyens sur les gouvernements et dans les processus de décisions jouent ici un rôle clé.

L’émergence des solutions à toutes les échelles ?

En premier lieu, les citoyens se trouvent au cœur de la solution : constituer des coalitions regroupant les secteurs publics et privés et les citoyens est indispensable pour réussir cette décennie de l’action. Ces coalitions permettent de donner une place aux jeunes, dont la conscience écologique les pousse à agir, pour qu’ils puissent faire entendre leurs voix dans cette lutte pour leur avenir. Des solutions émergent grâce à des mouvements comme Fridays for future, dont la première est de porter aux agenda nationaux et internationaux la problématique environnementale.

Également, pour réaliser cette transition, mobiliser tous les échelons de l’action est primordial, de la ville au pays. Bien conscient de ces enjeux territoriaux et que les solutions doivent être conçues et émerger des réflexions citoyennes, au plus près des écosystèmes concernés, certaines villes comme Paris et New York mais aussi Bacolod aux Philippines ou Hualpen au Chili ont pris leurs responsabilités dans l’action. Selwin Hart résume ainsi la situation : “the role of cities, states and subnational structures is part of the solution”. Même la Chine, premier émetteur de CO2 et premier marché énergétique au monde, s’est engagée lors de l’Assemblée Générale des Nations-Unies en septembre 2020 à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2060. Le pays souhaite d’ailleurs prendre un leadership sur le sujet, au risque de faire passer son agenda diplomatique avant ses convictions écologiques.

Ainsi, près de 70 % des Français souhaitent adopter des objectifs plus ambitieux que ceux fixés par les accords de Paris. Le report de la COP 26 de Glasgow qui devait se tenir du 9 au 20 novembre 2020 est une difficulté de plus à surmonter pour entrer dans la décennie de l’action. La COP 26 aurait dû permettre d’évaluer les progrès réalisés et réaffirmer l’engagement des États. Chaque année compte.

Cependant, si des actions et initiatives individuelles émergent à l’échelle des villes ou des pays depuis quelques années, au niveau international les solutions concrètes se font toujours attendre. La diplomatie internationale peine à concrétiser les décisions prises dans les traités, et peine tout autant à enregistrer de nouvelles victoires significatives depuis l’Accord de Paris de 2015. Cet Accord non contraignant pour les États les invite à se doter d’objectif ambitieux pour atteindre la neutralité carbone et limiter le réchauffement de la planète à 2°C en 2100. Si cela représente une étape historique dans la lutte contre le dérèglement climatique, le retrait des États-Unis en 2017, officialisé le 4 novembre 2020, témoigne de la difficulté à mettre en œuvre une action globale efficiente et efficace. Pourtant, cela ne doit pas freiner notre ambition d’agir.

Dans ce contexte d’urgence où règne parfois un sentiment de frustration et d’impuissance, Selwin Hart pointe toutefois que les actions entreprises par l’Union Européenne représentent un modèle et un espoir sur la scène internationale. Il est vital que de nombreux autres pays s’engagent, à leur tour, de manière plus radicale dans cette transformation des transports à l’agriculture, des industries à l’extraction des matières premières.

Cette analyse engage la parole de leur auteur et non celle de l'intervenant des Rencontres du Développement Durable présent lors de cette conférence.