Face aux ruptures géopolitiques et écologiques, prenons un rendez-vous démocratique
Aujourd’hui, au cœur de l’Assemblée générale des Nations unies, se rassemblent les chefs d’État et de Gouvernement pour le « Sommet sur les ODD ». Référence aux 17 Objectifs de développement durable (ODD) adoptés par tous les États de la planète en 2015… un « programme en commun » pour un « futur désirable » à horizon 2030.
Voici des expressions que nous ne cessons d’entendre depuis la COP 21. Mais huit ans plus tard, qu’en-est-il vraiment ? 85 % des indicateurs des ODD sont au rouge. Factuellement, au lieu d’une transition, nous sommes en régression.
Les dérèglements climatiques s’accélèrent, avec des conséquences désastreuses telles que l’effondrement de la biodiversité. La famine éclate dans de nombreuses parties du monde. Les inégalités mondiales se sont creusées pour la première fois depuis une génération (la situation étant systématiquement plus grave pour les femmes que pour les hommes puisque 8 % de la population féminine vit dans l’extrême pauvreté). Un tiers de l’humanité n’a pas accès à l’assainissement en eau potable. On pourrait multiplier les exemples mais il n’y a qu’une idée à retenir : le cours du progrès s’est inversé.
Si la situation est si critique, c’est par la conjugaison hors normes de plusieurs crises systémiques qui aggravent le déficit cumulé des financements pour cette grande transition. La première, c’est l’augmentation continue des émissions de gaz à effet de serre depuis l’Accord de Paris. La deuxième, c’est la pandémie de Covid-19 qui a profondément et durablement affecté nos sociétés. Enfin, il y a l’agression russe de l’Ukraine qui a déclenché une onde de choc mondiale.
Cette « polycrise » a une double dimension géopolitique et écologique, aux impacts sociaux aussi quotidiens que criants sur les populations. Le développement durable est en proie aux jeux des puissances. Les foyers de rivalité ne font que se multiplier, en Afrique, en Asie… Même au cœur de la démocratie américaine, le déni climatique met en péril le monde tout entier.
Alors posons-nous franchement la question : quelles leçons avons-nous retenues de ces ruptures successives, qui referment la parenthèse du progrès ? Quelle morale après la pandémie ? Quelle maxime face au retour de la guerre en Europe et le risque d’une guerre en Mer de Chine ? Quelles ambitions alors que le climat dégénère selon des scenarii qui nous apparaissent toujours plus catastrophiques ?
Nombreux sont ceux qui, parmi nos concitoyens, décrochent. Tout cela devient trop complexe, trop anxiogène, trop lourd à porter. C’est vrai. Mais nous ne pouvons pas nous résigner : ni le désespoir des lendemains futiles, ni le cynisme des solutions faciles ne doivent écraser le débat public.
Nous voulons battre en brèche ce risque grandissant et délétère, qui touche aux racines d’une profonde crise culturelle. C’est pourquoi nous vous invitons aux prochaines Rencontres du Développement Durable : lors de ce rendez-vous démocratique que nous avons construit pour vous, nous vous proposons de réfléchir paisiblement et librement à ces questions épineuses.
Commençons, pour cela, par admettre que c’est au carrefour de la science que les décideurs politiques, économiques et sociaux doivent se retrouver - humblement - pour dialoguer avec les citoyens. C’est à ce moment-là que nous pourrons ouvrir ensemble de nouvelles perspectives, c’est-à-dire esquisser une vision suffisamment puissante, capable d’enclencher la transformation culturelle qui se joue.
Nous vous proposerons alors une intuition pour réfléchir ensemble à la situation : et si sobriété rimait avec souveraineté ? Au fond, c’est dans l’hypothèse qu’il faut faire preuve de radicalité. Il paraît que c’est là que notre créativité démocratique sera maximale, pour trouver les solutions les plus justes, rapides et efficaces.
Premier pays doté d’une « planification écologique », la France semble avancée pour faire face à ce défi jumeau - nos dépendances énergétiques, corollaires de nos faiblesses diplomatiques. Mais comment lui donner toute son ampleur ? Car, au fond, c’est la culture même de nos sociétés et nos institutions, notre rapport au temps comme à l’espace, qui peut changer…
C’est en faisant le pari de l’intelligence collective, véritable moteur du changement pour qu’émergent de nouveaux modèles. En gardant à l’esprit que la Nature est notre meilleure alliée pour empêcher l’effondrement climatique. En faisant le pari des territoires comme des associations, véritables creusets de la transition. En mobilisant tout le tissu économique, au lieu de se focaliser sur la transition de quelques grands groupes. En embrassant pleinement la révolution que promet d’être l’économie circulaire. En faisant le pari d’une renaissance industrielle, fondée sur une ambition décarbonée.
En restant vigilants sur les batailles géoéconomiques qui pèsent sur l’écriture des règles du jeu de la transition. En poursuivant sans relâche notre plaidoyer pour coupler finement - et non opposer - climat et développement. En déverrouillant les financements internationaux, et ses règles, qui rendront cette promesse possible au Nord comme au Sud. Et pour tout ce faire : en faisant le pari de l’Union européenne pour peser effectivement sur l’avenir de notre planète.
Enfin, et surtout, en faisant le pari de la confiance démocratique, ferment unique de tout projet d’une telle ampleur. C’est ce dont nous manquons aujourd’hui dans une France polarisée.
Voilà toute l’ambition des Rencontres du Développement Durable 2023 auxquelles nous vous convions. Nous vous attendons, de Paris à Montpellier, de Dijon à Aix-en-Provence pour un trimestre citoyen et réfléchir ensemble sur le défi du siècle !
Signataires - Thomas Friang, Fondateur et Directeur général de l’Institut Open Diplomacy ; Galitt Kenan, Directrice exécutive du Jane Goodall Institute ; Pr. Romain Soubeyran, Directeur général de CentraleSupélec ; Géraldine Fort, Déléguée générale de l’Observatoire de la RSE ; Dr. Stephan Bourcieu, Président du directoire de Burgundy School of Business ; Sophie Pouget, Déléguée générale de la Fondation RAJA-Danièle Marcovici ; Bruno Ducasse, Directeur général de Montpellier Business School ; Dr. Patricia Savin, Présidente d’ORÉE ; Thomas Breuzard, Co-président du B Lab France ; Adeline Pilon, Directrice d’ELYX ; Dr. Olivier Mousson, Président de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale ; Charlotte Debray, Déléguée générale de La Fonda ; Fabrice Ferrier, Fondateur et Directeur de Focus 2030 ; Dr. Bettina Laville, Conseiller d’Etat honoraire, Présidente-fondatrice du Comité 21 ; Charles-Benoît Heidsieck, Président-fondateur du Rameau ; Marie-Laure Vercambre, Directrice générale du Partenariat Français pour l’Eau ; Nils Pedersen, Délégué général du Pacte mondial de l’ONU - Réseau France ; Pr. Laurent Champaney, Directeur général des Arts et Métiers et président de la Conférence des Grandes Ecoles