➡️ Présentez vous et expliquez nous ce vous faites au sein de votre organisation pour faire avancer la transition ?
Je suis Victorien Erussard, fondateur d’Energy Observer et président de la société EODev. Après la course au large et une carrière dans la marine marchande, j’ai en effet pris la tête d’une expédition technologique et environnementale unique et par la même, celle d’une entreprise très engagée dans la transition énergétique.
Avec le navire laboratoire démonstrateur Energy Observer, nous avons tenu le pari qu’il était possible de mixer énergies bas carbone et technologies hydrogène pour naviguer sur les mers du globe sans émissions et sans bruits. Son Odyssée autour du monde nous a permis, depuis 2027, de faire la preuve de son efficacité tout en expliquant la démarche, nos technologies à un large public international.
Nous avons ensuite créé Energy Observer Foundation pour porter ces actions pédagogiques et de sensibilisation, aidé en cela par nos productions audiovisuelles. Notre ambition ? Expliquer, décrypter, acculturer tous les publics à la transition énergétique, au potentiel de l’hydrogène et aux enjeux du développement durable. L’étape suivante a été la création d’EODev, notre branche industrielle experte de la transformation d'hydrogène en électricité. Mettre à disposition des acteurs économiques et bientôt des particuliers tout le retour d’expérience de nos 5 années d’Odyssée, tel était notre objectif. Pour accélérer la décarbonation de notre économie avec des solutions électro-hydrogène durables, fiables, performantes et accessibles, il fallait produire ces systèmes concrètement ! EODev se développe aujourd’hui fortement et exporte avec succès.
Rien de tout cela n’est réalisable sans savoir s’entourer des meilleurs profils. L’ensemble des marins, ingénieurs, communicants, scientifiques et reporters de mes équipes sont tous les jours sur le pont et c’est leur dévouement pour accélérer la transition énergétique qu’il faut saluer.
➡️ Comment utilisez vous les ODD pour structurer votre action et votre réflexion ?
Les ODD sont un cap chiffré, un agenda universel et international. En fixant un horizon commun à l’humanité, les ODD permettent de parler le même langage, tout autour du globe, celle du progrès humain, social et environnemental. Ils sont pour nous, comme pour toute entreprise engagée, un cap, le fil directeur de notre action.
Mais nous tenions à aller plus loin en mettant résolument l’accent sur les solutions, en créant une source d’inspiration et d’espoir. Depuis le début de notre aventure, Energy Observer rencontre des femmes et des hommes engagés de tous les pays que nous traversons, pionniers de la transition écologique aux cultures diverses, qui entreprennent pour tenir ces ODD. Nous avons décidé de les filmer, au fil de chaque escale, et nous en sommes à plus de 70 depuis 2017, pour les réunir tous sur une plateforme, Energy Observer Solutions, sous la forme d’une Web série. Ce projet fait l'objet d'un partenariat dynamique et fructueux avec le Ministère de la Transition Ecologique.
En tant que premier ambassadeur français des ODD, au fil des rencontres en France et à l’International avec les jeunes, les industriels ou les décideurs publics, je m’efforce avant tout de démontrer l’interconnexion des Objectifs de Développement Durables, et de mettre en lien des acteurs qui peuvent ensemble créer, penser de nouvelles solutions. La plateforme Energy Observer Solutions permet à ce titre d’entrer en contact avec les pionniers du développement durable tout en démontrant que derrière chaque initiative se cache au moins deux ODD. Cette transversalité prouve qu’il ne peut exister de prospérité économique si le bien-être des populations et le respect des écosystèmes ne sont pas assurés.
➡️ Selon vous qu’est ce qu’une planification écologique réussie pour la France et pour l’Europe ?
La multiplication des stratégies sectorielles sans vision d’ensemble peut affaiblir nos politiques publiques et leur impact. L’urgence environnementale rend indispensable un plan global impliquant tous les acteurs dans des objectifs ambitieux et réalistes.
Mon ambition et celle de mes équipes, comme de toute notre filière, est d’accélérer la transition énergétique. Une planification réussie est celle qui, en transparence, fixe des objectifs finaux et intermédiaires chiffrés, mesurables et les indicateurs qui permettent à tous les citoyens de contrôler son avancée et de donner de la visibilité à tous les secteurs. Elle devra impliquer et mobiliser tous les acteurs publics, privés, administrations, entreprises, Etat et collectivités, doivent montrer la voie pour entrainer les financements indispensables. C’est ce qui nous permettra d’atteindre ce passage à l’échelle, de massifier les usages, de sécuriser les approvisionnements et de faire baisser les coûts notamment dans le transport maritime que je connais le mieux.
Au-delà des investissements, la question centrale est celle de l’adaptation, de l’acceptation des transformations nécessaires. Il faut pour cela associer les citoyens afin qu’ils comprennent clairement les enjeux de cette transition dans un contexte d’urgence énergétique absolue. A nous de les guider en les sensibilisant, en les accompagnant, en récompensant les comportements vertueux et en compensant les contraintes les plus exigeantes qui pèseront sur eux. Je suis convaincu qu’une gouvernance du plan global combinant Etat, collectivités, entreprises, corps intermédiaires et démocratie directe, est la clé d’une planification réussie. Enfin, la planification écologique que j’appelle de mes vœux est celle qui ne se contente pas d’objectifs, mais celle qui est pilotée et appliquée avec des incitations fortes.
➡️ Si vous aviez une recommandation à faire formuler à la Première ministre chargée de la planification écologique, quel message lui feriez-vous passer ?
La décarbonation est l’un des piliers de la planification écologique. Nous n’atteindrons jamais la neutralité carbone sans réussir la transition énergétique des transports. Permettez-moi de vous partager une recommandation relative au secteur que je connais le mieux, celui du transport maritime.
Ce secteur est véritablement le cœur de la mondialisation. Il représente 90% du commerce mondial en volumes transportés (IFRI). C’est lui qui garantit les approvisionnements en nourriture et biens nécessaires au bon fonctionnement de notre économie, à l’export de notre savoir-faire et à la préservation de notre mode de vie.
Il représente toutefois 2,89% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (OMI), et causerait 15% des décès prématurés liés à la pollution de l’air dans le monde (ICCT).
Sa transition vers la neutralité carbone doit donc faire l’objet d’objectifs ambitieux. Au-delà de l’efficacité énergétique, les flottes doivent aujourd’hui réduire leur intensité carbone en amorçant leur transition vers des carburants décarbonés.
Ma conviction est que les technologies sont matures et disponibles pour y arriver. Il ne manque qu’une impulsion politique et une massification des investissements. Notre nouveau projet Energy Observer 2, navire de charge électrique alimenté par de l’hydrogène liquide, franchira un cap décisif dans la décarbonation du transport maritime, parce que ce type de navire représente plus du tiers de la flotte mondiale !
Je recommande donc de favoriser l'accélération de la transition énergétique maritime en apportant au secteur un soutien public historique, par des financements, des incitations réglementaires et des objectifs ambitieux, à l’image de ceux de l’Organisation Maritime Internationale.