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Yvan BOURGNON

Président de l’association The SeaCleaners

8 septembre 2022

The SeaCleaners se bat aujourd’hui sur tous les fronts pour réduire la pollution plastique marine : la sensibilisation et la prévention, la diffusion de la connaissance scientifique, la transition vers l’économie circulaire, le nettoyage des déchets à terre comme en mer. Une même volonté guide toutes nos actions : celle de proposer des solutions concrètes, aux résultats mesurables, au plus près du terrain. Elise D'EPENOUX, Porte-parole de The SeaCleaners interviendra pendant Les Rencontres du Développement Durable pour revenir sur l'ODD 14 : Vie aquatique lors d'une journée intitulée « Vers la France de 2030 » qui aura lieu le 16 septembre à l'Assemblée nationale.

En attendant cette date, Yvan BOURGNON, Président de l'association à répondu à nos questions !

➡️ Présentez vous et expliquez nous ce vous faites au sein de votre organisation pour faire avancer la transition ?

Je suis Yvan Bourgnon, aventurier, navigateur et président de l’association The SeaCleaners. J’ai vu les océans se dégrader sous mes yeux. Lors de mes courses transatlantiques, il m’est arrivé d’entrer en collision avec des OFNI (Objets Flottants Non Identifiés) ou avec des containers - en 2015 notamment, lors de la Transat Jacques Vabre, dans le golfe de Gascogne, ce qui m’a obligé à abandonner la course ! Cela a contribué à me faire prendre conscience de l'augmentation de la pollution plastique. The SeaCleaners et le projet Manta sont nés du choc que j’ai ressenti face à l'ampleur de cette pollution dans certaines régions du monde où j’avais navigué enfant avec mes parents : ces paradis étaient quasiment devenus des décharges à ciel ouvert, lors de mon tour du monde en solitaire de 2013 à 2015, 35 ans plus tard.

Pour faire avancer la transition, et notamment réduire la pollution et la consommation de plastiques, The SeaCleaners travaille autour de 4 axes : en mer, nous collectons les macrodéchets plastiques avant qu'ils ne coulent ou se désintègrent en microplastiques et atteignent la chaîne alimentaire, et nous contribuons à la recherche scientifique. A terre, nous réduisons le problème à la source par l’éducation et la sensibilisation du grand public dans les écoles, les universités, les entreprises, des festivals… et nous menons des opérations de ramassage de déchets avec nos équipes de bénévoles. Enfin, nous soutenons la transition vers l’économie circulaire par le développement de solutions technologiques innovantes et respectueuses de l'environnement. 


➡️ Comment utilisez vous les ODD pour structurer votre action et votre réflexion ?

La pollution océanique par les déchets plastiques compromet la réalisation de plusieurs des 17 ODD. Les actions de The SeaCleaners contribuent à la réalisation de 10 d’entre eux ! Sans vous faire un cours magistral, je vais vous expliquer comment, concrètement :

Sur l’#ODD 1 Pas de pauvreté : en Indonésie, par exemple, les déchets collectés par notre bateau de dépollution, le Mobula 8, sont traités par notre partenaire local, l’une des principales associations professionnelles du recyclage des déchets, qui regroupe près de 300 entreprises et des travailleurs indépendants. Elle donne ainsi du travail à des personnes dans les domaines de la gestion et du recyclage des déchets.

Concernant l’#ODD 2 Faim zéro : la menace du plastique sur l’équilibre alimentaire mondial est bien réelle. Grâce à nos différents moyens de collecte, chaque macrodéchet plastique flottant retiré des eaux est un déchet qui ne finira pas dans l’estomac d’un poisson, puis dans notre assiette, qui ne se décomposera pas en microparticules, et qui ne participera pas à l’entreprise de destruction des réserves halieutiques mondiales.

S’agissant de l’#ODD 3 Bonne santé et bien-être : la présence de microparticules de plastique dans nos organismes est avérée. Ces particules fines de plastique dégradé se trouvent dans l’air, l’eau potable, notre alimentation et nos sols. Par ses actions de nettoyage, aussi bien à terre qu’en mer, The SeaCleaners intervient avant que les déchets plastiques ne se dégradent et deviennent des microparticules susceptibles de pénétrer dans nos organismes. Nos actions de sensibilisation transmettent aussi les écogestes et apprennent aux consommateurs à se défaire des objets en plastique du quotidien pour les remplacer par des alternatives plus respectueuses de l’environnement… et surtout plus saines !
Quant à l’#ODD 6 Eau propre et assainissement : la pollution des cours d’eau par les déchets plastiques détériore la qualité de l’eau douce dans les régions les plus vulnérables et favorise la transmission de maladies comme le paludisme, le Zika ou la dengue. L’eau infectée exigeant des traitements onéreux pour redevenir potable, les communautés y renoncent souvent. Notre Mobula 8, par son action de ramassage des déchets solides jusqu’à 60 cm de profondeur et d’aspiration des déchets liquides comme les rejets d’égouts, les hydrocarbures ou les huiles, contribue à limiter les risques de propagation d’agents pathogènes. 

Pour l’#ODD7 Energie propre et d’un coût abordable : aussi bien dans sa conception que dans son fonctionnement, le Manta, notre catamaran géant qui sera mis à l’eau en 2025, a été pensé dès le départ pour accomplir ses missions en étant le plus vertueux possible sur le plan environnemental. Il fonctionnera grâce à une combinaison d’énergies renouvelables : éoliennes, hydrogénérateurs, panneaux solaires, unité de conversion énergétique des déchets… le but est de réduire au strict minimum la consommation d'énergie fossile du navire, tout en accroissant l’autosuffisance énergétique. Un modèle combiné de “green ship” et de “smart ship”. 

En ce qui concerne l’#ODD8 Travail décent & croissance économique : dans une économie circulaire, les produits usagés et les matières sont réintroduits dans le cycle de production, de distribution et d'utilisation, autant de fois que cela est possible. Les déchets deviennent ressources. Une étude réalisée par notre partenaire Cap Gemini Engineering a mis en évidence que chaque projet local développé par The SeaCleaners permettrait de créer de 51 à 101 emplois au sein des communautés locales.  

A propos de l’#ODD10 Inégalités réduites : 80 % de la pollution marine provient des villes côtières des pays les plus démunis. Dans ces régions, les systèmes de collecte et de recyclage sont souvent inexistants, faute de moyens. De plus, ces pays reçoivent une partie des déchets des pays du Nord. En parallèle, se développe un véritable “colonialisme des déchets” qui génère fraudes, écoblanchiment et injustices sociales. Le plastique finit donc sa course dans l’océan, faute d’alternative. A travers son action ciblée de nettoyage de la pollution plastique et de restauration des écosystèmes, à terre et dans les zones d’accumulation des déchets plastiques que sont les zones littorales, les embouchures des fleuves et rivières et les estuaires, The SeaCleaners place la justice sociale au cœur de son engagement. 

Pour ce qui est de l’#ODD12 Consommation & production responsables : une énorme partie de la production plastique est constituée de produits à usage unique et d’emballages jetables. Les emballages, c’est plus du tiers de la production mondiale de plastique ! En plus, ce sont eux qui ont la durée de vie la plus courte car ils sont souvent jetés au bout de moins d’un mois, et leur temps de dégradation est extrêmement long : entre 100 et 600 ans ! A travers nos actions de sensibilisation en milieu scolaire et périscolaire, dans les entreprises ou encore dans des festivals, The SeaCleaners fait la promotion d’une consommation responsable et transmet des écogestes pour diminuer les déchets plastiques dans nos vies quotidiennes. 

Venons-en à l’#ODD13 Lutte contre le changement climatique : l’Océan a déjà absorbé plus de 90 % de la chaleur excédentaire du système climatique et un quart des émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES). Cette mécanique est menacée par la pollution plastique qui réduit aussi la capacité du phytoplancton à produire de l’oxygène et à capturer le CO2. Elle affaiblit également la capacité du zooplancton à transporter le carbone en l’empêchant de se nourrir et de se reproduire. Sans compter que les déchets plastiques, notamment en polyéthylène, émettent des gaz à effet de serre en se dégradant dans les océans sous l’effet des UV et du sel ! Or plus le plastique se dégrade en petits morceaux, plus il produit de gaz…

Par nos actions curatives de collecte en mer des macrodéchets flottants, on intervient avant que les détritus plastiques ne se désagrègent et émettent des GES en grandes quantités. Par nos actions préventives, on encourage à réduire la consommation de produits issus de la pétrochimie et on incite les industriels du plastique à faire partie de la solution en améliorant leurs processus de production. Par son action de recherche, le Manta participera à approfondir les connaissances sur les interactions entre pollution plastique marine et réchauffement climatique, pour mieux les endiguer. 

Enfin, last but not least, pour ce qui est de l’#ODD14 Vie aquatique, “notre” ODD : 17 tonnes de déchets sont déversés chaque minute dans les océans, soit l’équivalent d’un camion poubelle. Plus d’1,5 million d’animaux marins meurent chaque année à cause de la pollution plastique, dont 100 000 mammifères marins. Parmi eux, des espèces protégées telles que dauphins, tortues, requins marteaux, baleines bleues… auxquels s’ajoutent un million d’oiseaux marins et un nombre incalculable de poissons. Ils sont victimes d’enchevêtrement ou d’étranglement dans des restes de bâches ou de filets de pêche abandonnés, ou bien meurent par étouffement ou malnutrition, suite à l’ingestion de débris plastiques confondus avec leur nourriture. Toute la chaîne alimentaire est impactée. Les taux de mortalité causés par des débris plastiques analysés sur des animaux échoués peuvent aller jusqu’à 22 % pour les cétacés et presque 50 % pour les tortues marines.

A travers l’ensemble de nos missions, préventives et curatives, à terre et en mer, nous avons pour ambition de changer la règle du jeu. Nous agissons pour protéger les océans, mais aussi pour les réparer et restaurer des zones dévastées par les plastiques flottants. Chaque kilo de plastique qui ne parvient pas jusqu’à l’océan ou qui en est retiré est un plastique qui ne tuera pas un animal marin, ou n’endommagera pas des écosystèmes fragiles. Nous ne mettons pas de prix sur la vie en bonne santé de la faune et de la flore marines. Fidèles à nos valeurs de pragmatisme et d’association agissante, nous accomplissons notre part du travail pour conserver les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable.


➡️ Selon vous qu’est ce qu’une planification écologique réussie pour la France et pour l’Europe ?

La France comme l’Europe doivent se donner les moyens de réussir cette planification écologique en écoutant moins les lobbys et davantage ceux qui connaissent les vrais enjeux environnementaux. Et ce n’est pas un problème de tendance politique. C’est transversal. Ensuite, il ne faut pas que ça reste de la théorie et qu’il y ait un écart entre les objectifs et le ressenti des gens. En fait, une planification écologique réussie doit se traduire en actions concrètes en mobilisant l’ensemble des citoyens et en ne laissant personne de côté.

➡️ Si vous aviez une recommandation à faire formuler à la Première ministre chargée de la planification écologique, quel message lui feriez-vous passer ?

Ne négligez pas l’océan qui est crucial pour notre avenir. Pour notre survie. Par la surface terrestre qu’il occupe et les services infinis qu’il nous rend, il est au cœur des enjeux environnementaux, scientifiques et économiques d’aujourd’hui et de demain.